• • A propos de Leonarda Dibrani

    Le Président de la République a estimé de son devoir d'intervenir dans le dossier Leonarda Dibrani pour rappeler le droit : la décision de reconduire cette famille dans le pays d'origine du chef de famille est l'aboutissement de toute une procédure administrative et judiciaire qui a scrupuleusement respecté les dispositions légales et toutes les possibilités de recours, d'où sa longueur.

    • A propos de Leonarda DibraniLes dispositions légales qui régissent l'accueil des étrangers sont regroupées dans le CESEDA, Code de l'entrée et du séjour des étrangers et demandeurs d'asile. Chacun selon sa sensibilité propre peut estimer souhaitable que toutes les personnes qui s'installent sur le territoire soient automatiquement régularisées, ou au contraire penser que cette mesure est dangereuse. Mais dans un état de droit, c'est la fonction même de la loi de dire ce qui est acceptable pour l'intérêt collectif et ce qui ne l'est pas.

    En l'occurrence, à la lecture du rapport de l'Inspection générale de l'Administration (1) rendu public le 19 octobre, il apparaît clairement que les dispositions légales ont été respectées. Personne ne le conteste, à commencer par les élus et militants associatifs qui ont soutenu la famille Dibrani ces dernières années. 

    A ce propos, il faut noter que les dispositions les plus restrictives du dispositif Sarkozy 2 de 2007 ont été abrogées en 2012, avec une attention toute particulière pour le regroupement des familles et les droits des enfants et des jeunes mineurs poursuivant des études.

    Dans un esprit d'humanité et sans remettre en cause la loi (laquelle d'ailleurs prévoit expressément cette disposition) le Président a souhaité laisser ouverte une possibilité à cette jeune fille de terminer son année scolaire dans une famille ou un établissement d'accueil adaptés à son âge et sa situation.

    Pour ma part, et au delà de toute polémique politicienne, je soutiens la position et l'attitude du Président de la République, qui a clairement rappelé la loi tout en laissant à cette jeune fille victime des mensonges de son père la possibilité, si elle le souhaite, de construire son avenir dans un environnement qu'elle connaît.

    La question de l'immigration (régulière et irrégulière) et du droit d'asile sont des sujets trop graves pour être manipulés par des apprentis sorciers (quand ce ne sont pas des boute-feu), particulièrement en période de grave crise sociale propice à la montée de la haine et de la xénophobie.(2)

     

    (1) Les principaux points du rapport de l'IGA. 

    • Une expulsion conforme à la réglementation en vigueur

    "La décision d'éloigner la famille Dibrani est justifiée en droit", affirme l'Inspection générale de l'administration (IGA) dans ce rapport d'une vingtaine de pages commandé mercredi par le ministre de l'Intérieur. "Il ressort de tous ces éléments que le refus d'autorisation de séjour (...) et la décision de mise en oeuvre de l'éloignement de la famille Dibrani étaient conformes à la réglementation en vigueur".

    • Les forces de l'ordre ont manqué de "discernement"

    Toutefois, les conditions d'interpellation de Leonarda, confiée aux forces de l'ordre au cours d'une sortie scolaire, le 9 octobre, en vue de son expulsion vers le Kosovo, sont critiquées par l'enquête. Ce sont ces conditions controversées qui ont mis le feu aux poudres.

    "Essentiellement focalisées sur l'objectif de parvenir à regrouper la famille et de ramener la jeune fille auprès de sa mère, l'attention des forces de l'ordre n'a pas été éveillée par le fait que Leonarda Dibrani se trouve dans un bus dans le cadre d'une sortie scolaire", expliquent les auteurs du rapport. "Elles n'ont pas pris la mesure des enjeux que représenterait une intervention pour interrompre cette sortie", ni "évalué les conséquences possibles", et "en ce sens, elles n'ont pas fait preuve du discernement nécessaire", affirme l'IGA, tout en assurant que la préfecture du Doubs n'avait pas été saisie de cette question.

    A ce propos, rappelons les faits tels qu'ils sont établis : La famille est prévenue la veille au soir par la police et les membres du comité de soutien  que le lendemain aurait lieu le départ pour le Kosovo où se trouvait déjà le père. Leonarda ce soir là et comme souvent n'est pas rentrée chez elle. Le lendemain matin, elle n'est pas présente. Sa soeur suppose qu'elle a passé la nuit chez son copain à Pontarlier (22 km). Ce matin là elle participe à une sortie scolaire en car à laquelle elle s'est inscrite la veille. La police pour ne pas faire attendre le reste de la famille décide de partir à la rencontre du car.

    Contactée par un membre de son comité de soutien, Leonarda quitte volontairement le car (qui sur le trajet s'est arrêté sur le parking d'une école) accompagnée de sa professeure. Sur ce parking, elle monte dans la voiture des policiers en dehors de la vue de ses camarades, en compagnie d'un membre de son comité de soutien qui suit la famille depuis des années. Aucune violence n'a été exercée en aucune façon.

    • Pour une sanctuarisation du temps scolaire

    L'inspection générale assure qu'il s'agit d'une situation "exceptionnelle". "Pour éviter qu'elle se reproduise, les instructions déjà anciennes relatives aux espaces scolaires et aux interventions proches de cet espace mériteraient d'être précisées, de façon à proscrire plus explicitement toute intervention dans les espaces et le temps scolaires et périscolaires", recommande l'IGA.

    • "Pas de réelle volonté de s'intégrer à la société française"

    Le rapport d'enquête dresse par ailleurs un portrait sombre du père de Leonarda Dibrani, dont, dit-il, le comportement "ne dénotait pas 'une réelle volonté de s'intégrer à la société française'", avec notamment une "absence de recherche sérieuse d'emploi". La famille a laissé le logement mis à sa disposition "dans un état de dégradation avancée" et "Resat Dibrani n'a pas hésité à user de menaces afin d'éviter d'être expulsé de cet appartement", qu'il occupait indûment depuis deux ans.

    • Vol, violences... Un portrait sombre du père de Leonarda

    Selon les inspecteurs, Resat Dibrani a "été placé en garde à vue pour un cambriolage" en octobre 2010, "mis en cause comme auteur dans un vol commis dans une déchetterie" puis encore placé en garde à vue, début 2013, lorsque ses filles aînées ont "fait état de violences exercées par leur père" avant de se rétracter.

    • Absentéisme scolaire

    Enfin, le rapport fait état d'"absences répétées des enfants au sein des écoles et collèges" fréquentés. Leonarda a ainsi, selon l'enquête, été absente 66 demi-journées en 6e, 31 en 5e, 78 en 4e et 21,5 depuis le début de l'année scolaire en cours. Un professeur de l'adolescente "a en revanche souligné sa volonté d'intégration et ses progrès", toujours selon le rapport.

     

    (2)  Concernant le terme de "rafle" utilisé par certains hommes et femmes politiques ou les allusions aux déportations nazies, je partage totalement l'indignation de Laurent Joffrin sur le site du Nouvel Obs :

    "La comparaison avec les déportations nazies est particulièrement scandaleuse. Comment peut-on un instant assimiler le renvoi dans leur pays d'origine des membres de cette famille, raccompagnée à un aéroport après avoir épuisé tous les recours légaux, sans qu'elle soit placée dans un centre de rétention, rendue à la liberté quelques heures plus tard dans un pays d'Europe, avec le destin d'autres familles arrachées à leur maison sous la menace de mitraillettes, entassées dans des trains, enfermées dans des camps et exterminées par des moyens industriels ? C'est une insulte aux lois de la République française, une insulte à ces responsables, de droite ou de gauche, qui tentent de mener une politique équilibrée, une insulte, aussi, à la mémoire des déportés de la Seconde Guerre Mondiale, dont on finit par banaliser l'insigne souffrance à force de comparaisons oiseuses. Il y a un négationnisme insidieux dans cette outrance verbale, qui veut exprimer une exigence morale et qui ne dénote qu'ignorance historique et imbécillité politique."

    « • A la rencontre de la population (suite)• Le PS et l'UDB unissent leurs forces (conférence de presse du 19 octobre 2013) »